Historique du Rap Ethnoculturel à Montréal


On retrace la genèse de la culture hip-hop à Montréal; à la fin des années 1970. Spécifiquement, c’est en date du 3-4 septembre 1979 que les pionniers Butcher T et Andrew Carr rencontrent les fondateurs de la culture hip-hop américaine : D.J Kool Herc ( Clive Campbell), Grand Wizard Theodore, Africa Bambaata. Cette rencontre sera déterminante dans l’instauration de la culture hip-hop non seulement à Montréal, mais à travers le Québec et le Canada. Dès le début des années 1980, la scène hip-hop est en effervescence à travers Montréal. En outre, cela est le résultat de la création de la première émission de radio hip-hop au Québec sur les ondes du 980 A.M Montréal Qc. du réseau CKGM, fondé par Geoff Sterling. Cette toute première émission hip-hop à Montréal et au Canada crée en 1981 sera animée par Mike Williams.  C’est à travers cette émission que plusieurs artisans hip-hop «  en devenir »au Québec feront leurs débuts : D.J Ray, Almighty Flight M.C, LDG, Blondie B.

 

Aux alentours de 1984-1985, le Centre récréatif de Laval offre déjà des cours de break-beat (breakdancing). Selon les affirmations de DKC, pionnier de la danse hip-hop au Québec ,l’historique du break-beat au Québec remonte au tout début des années 1980. DKC contribua à l’essor du break-beat en formant la toute première formation de danse hip-hop, New Energy , concrétisée en 1983. Cette formation était composée des membres suivants : Sean Du Kerand, Lionnel Nicolas Etienne, Victor Lee Ezard, Charlie Benoît dit Express.  Selon les recherches de Lynn Worrell (2006), à la fin des années 1980 on voit apparaître la toute première formation de B-Girls québécoises. Cette formation se nommait Solid State Collective. Il y aura une compétition internationale de break-beat (breakdance) en 1984 au Spectrum de Montréal. ; puis une compétition canadienne en 1985 au Paladium de Montréal. L’entrepreneuriat hip-hop bat son plein à Montréal au milieu des années 1980.


 

L’entrepreneur Noji Mzilikazi ouvre un des premiers disquaires hip-hop à Montréal, le Wild Style, aux alentours de 1989-90. Mzilikazi ouvrira un second disquaire hip-hop, le Chin Phat, aux alentours de 1992. Ces deux disquaires hip-hop montréalais seront les précurseurs du Taboo Disc , un disquaire fondamental dans l’expansion du hip-hop underground de Montréal au plan local, national et international. L’entrepreneuriat de Noji Mzilikazi ne se limite pas qu’à l’ouverture du Wild Style et du Chin Phat. Noji Mzilikazi conçoit le tout premier magasine hip-hop de l’histoire. Il concrétise le magasine Up Front : Taking Urban Music Across Canadian tracks, en 1988. Ce magasine en couleur couvrit l’actualité hip-hop de la fin des années 1980 et des années 1990 à l’échelle québécoise, canadienne et américaine. Quelques années plutôt, le emcee Chuck-Ice  devient un des premiers hip-hopeurs du Québec à obtenir un rôle dans un documentaire télévisé. Il joue dans le film City in The Limbo sorti en 1984. Ce film est axé sur la condition sociale des communautés noires vivant à Montréal. Aux alentours de 1987-1992, Chuck-Ice travaillera sur son tout premier album Zero Tolerance en collaboration de D.J Choice. Chuck-Ice représente le paroxysme du rap anglophone de Montréal des années 1980- début 1990 avec une pléiade d’artistes : Tape M.C, Spect Two, Baby Blue, Shan 1, Blondie B.  Tape M.C aura l’opportunité de faire la première partie du spectacle de Big Daddy Kane  à Montréal; ayant lieu à l’auditorium de l’école secondaire James Lyng en 1988.


Plusieurs clubs hip-hop montréalais se succèdent dans leur création au courant des années 1980 : Le Rendez-vous, le Checkers , le Club 50, le Club Bizness, le Club Kiss, le Thunderdome ainsi que le 13ième ciel situé dans le quartier Saint-Michel (Montréal). Ce qui donne l’occasion à plusieurs promoteurs hip-hop de faire leur démarcation dès le début des années 1980. De parfaits exemples sont : Fitz & Fabian, Al Rancid, Gilbert Mosambo, Hollywood Review, Ernest B. Ils traceront la trajectoire pour une relève devenue les pionniers/vétérans d’aujourd’hui : Gary T, Ricky D, Benz Antoine, Vladimir Bazile,  Malik Shahid. À ne pas confondre avec Maleek Shaheed ( John Morrow) un des pionniers du rap sociopolitique anglophone au Québec, vers la fin des années 1980.  Selon l’analyse du professeur Roger Chamberland (2002)  le rap politisé et engagé socialement sera un point d’ancrage et de démarrage pour le rap francophone au Québec. Ce qui se voit dans les lyriques de Frenchie B   avec Je m’en souviens  et ceux de Kool Rock et sa formation MRF ( Mouvement Rap Francophone). Ils seront les prédécesseurs de groupes rap politisés des années 1990-2000 : Cavaliers Noirs, FLQ, Loco Locass. Le rap francophone à Montréal commence dans les secteurs du Nord-Est (ex : Saint-Michel, Montréal-Nord et surtout RDP). Des pionniers du rap francophone dès la fin des années 1980 seront : K.Lova, B.O.P, Le Cerveau,  Dice B et plusieurs autres. Dice B pionnier du hip-hop dans  le Nord-Est de Montréal, débute sa carrière en 1984. Il rappe alors majoritairement en anglais et occasionnellement en français. Dice B contribuera à la concrétisation des formations suivantes entre 1990-1997 :  Melo-D, Organix, Catburglaz et Upstate avec le regretté Mickey Style ( Basket Case).


D’autre part, plusieurs groupes se démarquent dans les (4) points cardinaux de Montréal. Plusieurs d’entre-eux ont grandement marqué l’émergence du hip-hop underground montréalais entre les années 1990-2000 : Wolfpack, Akadémia, Shades Of Culture, RDPizeurs, KZ Kombination, Genuiwine & Cynix, Eaux 2 Mély,  Basket Case, Larock L’Instigatt, Sekt Empire, Haut-Parleur, Mathématik, Star-N-Crescent, Coalition, Technical Sense, Cortex Complex,  Jyhad, O.S.I.R.I.S, La Pègre, Tropikal Flava, Royall Hill, Melting Pot, Miss P.G, Jaihar da Big Fella & Metaphysics, Corporation Click. D’autres groupes plus explicites durant la période 1990-2000 sont :  CMC, Murda Mammiez, La Ravette & le  Syndicat, Big Belly Team, Mic Life, Spyda et Warfare, Kabritte, Sang Zavé le Koulanget & l’Azil 67, Zozotier le Tailleur & N.P Crew, Moun Fou Crew, Maze le Patron, E-Nice ( Roi Heenok), Block B ( King et Connaisseur). Tous les noms mentionnés précédemment pour la période 1990-2000 et plusieurs autres ont contribué à  l’émergence du rap underground au Québec. Plusieurs d’entre-eux furent diffusés dans les fanzines de l’époque : 24K, La Taupe, Sphinx, 7 Magasine. Plusieurs 0formations féminines contribuent particulièrement à l’émergence du hip-hop à Montréal et les environs dès la moitié des années 1980 aux années 2000 : Cony, Geneva, Brown Suga, Black Cleopatra, La Dame de Pique, Jenny Salgado (J-Kyll), 500 SL, Snozza, Miss P.G, Miss Vicky J, V-Da (Dee), La Femme Maloria, Yncomprise, Mona Lisa, G-Nine et D.Lusion de Corporation Click. Certains projets  promotionnels verront le jour dès la moitié des années 1990 en vue de promouvoir le hip-hop montréalais : Prélude à l’invasion (1996), la mixtape 2Hot2Handle (1997), Zone de Choc (1998) , Ça Tappe Trop pour les Faux (1998) , Trop Chaud Pour Sortir (1998-99), Montréalité (2000).  Plusieurs projets officiels marquant la commercialisation au grand public du rap montréalais/ québécois dès la moitié des années 1990 sont : K.C LMNOP avec Ta Yeul (1996) et Journée Idéale (1997), Dubmatique avec La Force de Comprendre (1997), Rainmen avec Armagueddon (1998), Sans Pression avec 51450 Dans Mon Réseau (1999), Muzion avec Mentalité Moune Morne : Ils n’ont pas Compris (1999), Traumaturge avec Suce mon Index (1999) .


 Quelques documentalistes s’intéressent à l’émergence du mouvement hip-hop montréalais dont Simon Vaillancourt réalisant le documentaire  «  Phénomène Hip-Hop », télévisé en 1998 sur les ondes de Radio-Canada. Ce documentaire télévisé émis une analyse sur l’ascension du hip-hop pluriculturel et ethnoculturel à Montréal; suite au succès fulgurant et commercial du groupe Dubmatique avec l’album la Force de Comprendre. En 2005,  le documentaire «  The Prequel » réalisé par Ground Up Entertaintment fit le constat social du rap à Montréal dont la contribution de plusieurs de ses pionniers : Mizery, Grand Master Garner (Minister G), Arkade, Butta Babies, Dice B et tant d’autres.

Plusieurs journalistes contribuent à la critique de presse du rap montréalais dès le début des années 1990 :  Jean Pierre Esso, Cédric Morgan, Sébastien Tétreault ( Baye Sikime) , Kéthy Antoine, Nora Bensadoume. Essentiellement, plusieurs émissions charnières ont contribué à la promotion de la culture hip-hop montréalaise entre 1990-2000: The Supreme Show (1986), Master At Work (1988), Nuit Blanche (1991), JahTak (1994), Le Kachot (1994), Nuit Blanche (1991) ,  Lions Dend (1993) Rappattitude (1995), Funkadélique (1994), Ill Groove Garden (1997), Braquage (2000), BoomBap Politix (2002), GBC Radio (2005). De plus, plusieurs sites web contribuent  à l’essor numérique, multimédia, cyberculturel  et surtout promotionnel du hip-hop au Québec au de là des frontières radiophoniques et télévisées :  360FMTV.com , HHQC.com, HipHopFranco.com  , TheMontreality.com, Fouzo.com et autres.

 Actuellement, le hip-hop ethnoculturel de Montréal continue d’évoluer en toute polyvalence et pluriethnicité étant grandement influencé par «  la mouvance alternative post-rap ». En cette période contemporaine plusieurs groupes démontrent cette influence dans leur démarche artistique innovatrice : K6A, Alaclair Ensemble, Obscene Kidz, Dead Obies, Kaytranada, P.N All Star. Bref en  (34) ans d’existence , le mouvement hip-hop ethnoculturel à Montréal continue de progresser dans une diversité constructive et créative.

                                          Mike Williams, fondateur de la toute première
                                          émission radio hip-hop au Québec, en 1981
                                          sur les ondes du A.M 100 CKGM
                                          actuellement 1280 A.M.  Monsieur Williams
                                          est actuellement journaliste culturel à
                                          Toronto.

SOURCE :
ATSÉNA-ABONGO Marie-Thérèse, "Les Études sur le Hip-Hop: Black Atlantic et Hip-Hop à Montréal", Département d'anthropologie Université Laval, 2010, 36p.
BLAIS Laurent K., " Le rap comme lieu ethnographie : d'artistes de Montréal", thèse de maîtrise, Université de Montréal, 2009, 138p.
BRENDAN Kelly, " Hip-Hop de chez nous", éd. Montreal Gazette, 25 novembre 1997, p.F9
CAUDEIRON Daniel, MZILIKAZI Noji" le Hip-Hop d'Ici", compositeur canadien/canadian composer, novembre 1989, pp.30-35
CAUDEIRON Daniel, " le maître du hip-hop" , compositeur canadien/composer, printemps 1990,
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CAUDEIRON Daniel, MILLER Martin, " RAP" , Encyclopédie de la Musique au Canada, Montréal, éd. Fides, 1993, pp.2855-2857
CHAMBERLAND Roger, " The Cultural Paradox of Rap Made in Quebec", tiré de "Black, Blanc et Beur: Rap Music and Hip-Hop culure in the Francophone world" , ed. Alain Philippe Durand, 2002, pp.124-137
LAABIDI Myriam, "Représentations scolaires et cultures hip-hop: Expériences et Trajectoires", thèse de doctorat, dép. Science de l'Éducation, Université Laval, 2012, 318p.
LOW B., SARKAR Mela, " le plurilinguisme dans les cultures populaires, un terrain inexploré? L'étude du langage mixte dans le rap montréalais comme en guise d'exemple" , 2012,  éd. Kinéphaos vol#3 pp.20-47
ROY, Patrick et LACASSE Serge, " Groove: Enquête sur les Phénomènes musicaux contemporains" éd. Presse de l'Université Laval, 2006, pp.1-16
WORRELL Lynn,  tiré de Motion Live Entertaintment et SAADA Stylo présentent " le projet de recherche pour le nord : présentant les talents du Hip-Hop au Canada, déposé au Conseil des Arts du Canada, novembre 2006, pp.13/45


Texte rédigé par :
Kapois Lamort alias Vlad.Al-Jaww.A. Delva

Co-Rédaction :
Romaine Prophète de MT-Hell, Tamerlan C.P

Mise en ligne par :
Black History R.Lemcy

PRODUCTION NOIRE INC.2013

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